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Le Génocide des intellectuels haïtiens ???

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 9 août 2017
  • 7 min de lecture

Ce matin j'ai écouté avec beaucoup de peine un médecin qui réagissait sur l'échec cuisant des élèves du bac haïtien particulièrement ceux du département de l'Ouest. Ce médecin, dont je n’ai pas entendu le nom, a parlé d'une volonté réelle d'avoir un génocide des intellectuels haïtiens. Le médecin a pointé du droit les directeurs des écoles en évoquant la décision de certains d'entre eux de ne plus donner de devoir de maison aux écoliers. Il a également fait savoir que certaines écoles ne réalisent plus des examens de contrôle. De ce fait, les enfants n'ont plus cette habitude de se préparer pour des examens de contrôle comme c'était le cas avant. Il a pointé du droit également les inspecteurs de l'éducation nationale qui sont au courant de la situation mais ne la rapportent pas aux instances concernées pour les suites nécessaires. Il rejette catégoriquement la thèse de certains qui croient que ce sont les programmes Ti sourit, Raboday, Zokikit, le temps passé par les élevés sur les smarthpones qui seraient la cause de ces échecs scolaires. Ils croient que si les élèves étaient occupés à faire leurs devoirs, ils n’auraient pas de temps pour ces histoires de Ti Sourit, Raboday, Zokiki.

Le médecin croit qu'il y a une volonté de procéder au génocide des intellectuels haïtiens par le boycottage et la destruction du système éducatif. Il pense que ce n'est pas normal et anodin que des écoles refusent de préparer leurs élèves pour les examens officiels. Le médecin questionne le fait que l'on enseigne les matières en créole désormais alors que les livres et les examens sont en français. Il estime que cela ne fait pas de sens d'enseigner dans une langue alors que le contrôle des élèves se fait dans une autre langue. Le médecin en a profité également pour mentionner aussi le fait que les médecins fuient le pays. La plupart de ses collègues ne sont plus en Haïti. Il croit qu'il y a une volonté de faire fuir les gens et une volonté aussi de passer à l'infinitif le savoir en Haïti.

Je ne vais pas rentrer dans le débat sur ce que l'on entend par intellectuel ou pas. Toutefois, ce qui se passe avec les écoliers n'est que le symptôme d'un mal qui est beaucoup plus grand et plus grave. Pour ceux et celles qui ne suivent pas l'actualité, ces résultats pour 7 départements publiés vous donneront une idée de la situation:

Ouest : Taux de réussite 24,98 %, soit 14,041 admis sur 57,214 participants (23.87% en 2015-2016) ;

Nord-Ouest : Taux de réussite 29,76 % soit 1,421 admis sur 4,775 participants (28.69% en 2015-2016) ;

Centre : Taux de réussite 39,37 %, soit 2,056 admis sur 5,222 participants (34,52% en 2015-2016) ;

Sud : Taux de réussite 69,23 %, soit 2,860 admis sur 4,131 participants (33,72% en 2015-2016) ;

Sud-Est : Taux de réussite 33, 73 %, soit 1,016 admis sur 3,012 participants (42.07% en 2015-2016) ;

Les Nippes : Taux de réussite 41,1%, soit 811 admis sur un total de 1,973 participants (56.22% en 2015-2016) ;

Grand’Anse : Taux de réussite 23, 92 %, soit 616 admis sur 2,575 participants (28.91% en 2015-2016).

La Situation est beaucoup plus grave dans le département de l'Ouest avec seulement 14, 041 admis sur 57, 214. Il serait intéressant de voir le score des écoles publiques dans ces chiffres par rapport aux écoles privées. Curieusement, à l’exception de la Grande-Anse, les zones qui ont été affectées par l’ouragan Matthew en octobre 2016 ont eu de meilleurs scores que les zones n’ayant pas été touchées.

Avec ces résultats, les instances concernées, les membres de la société ne peuvent pas prétendre d’être surpris ou faire semblant d’être choqués quand nos écoliers des écoles publiques viennent de passer les 10 mois de l’année scolaire sans professeurs. Il y a eu la grève pendant les 10 mois de l’année 2016-2017 et cela n’a touché ni interpellé personne. En termes de choix de priorité, les gouvernements haïtiens sont des champions quand il s’agit de dépenser inutilement de l’argent. En février dernier au lieu de régler en partie la question d’arriéré de salaire des professeurs des écoles publiques, le gouvernement a préféré de dépenser 240 millions de gourdes soit, plus de 3 millions de dollars US pour le carnaval dans le Sud du pays ravagé par l’ouragan Matthew alors que les écoliers étaient dans les rues à Port-au-Prince, à Petit-Goâve, etc pour réclamer le retour des professeurs dans les salles de classe. Existe-t-il un système éducatif et un système de savoir en Haïti ? Si oui, qui les régit ? Comment et avec quels moyens ?

Récemment un ami m’a envoyé un texte en créole dans lequel il se demandait s’il n’y aurait pas un laboratoire qui travaille pour fermer les écoles en Haïti. Quand on voit le modèle des gens que nous avons dans les postes décisionnels au plus haut niveau de l’Etat n-a-t-il pas raison ? Comment peut-on demander à un enfant de se sacrifier pour obtenir un diplôme quand nos dirigeants nomment des gens qui ne savent pas lire ni écrire en français et en créole ?

Le médecin qui intervenait ce matin a mentionné que le niveau des élèves qui arrivent à passer le bac est tellement bas que certaines universités réfléchissent à l’idée de mettre en place une année préparatoire pour leur donner une mise à niveau avant qu’ils entament les cours dispensés dans ces universités.

Il ne faut pas non plus se leurrer en pensant que cela va mieux au sein de nos universités. Cela va très mal aussi dans nos universités privées et publiques. Hier j’ai écouté un reportage sur radio-télé Métropole où des parents d’étudiants de l’Université Notre Dame de l’église Catholique se plaignaient de la fermeture de la faculté de médecine. Ces parents ont fait savoir qu’ils ont dépensé chaque année entre 75 mille et 80 mille gourdes pour leurs enfants. Ils ont dit qu’ils ont fait le choix de privé en raison des grèves et mouvement de protestation au sein de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH). Au niveau de l’université Kiskeya les étudiants de la faculté de médecine ont protesté également dans le courant de cette année pour exiger des hôpitaux devant leur donner l’opportunité de faire des stages et du service social. Les étudiants des universités privées n’ont aucun recours quand ils subissent des abus de ce type. L’Etat est démissionnaire et les gens de la société préfèrent de ne rien voir parce que pour une partie d’entre eux : « Ayiti pa yo a diferan » vu qu’ils peuvent voyager, envoyer leurs enfants à l’école à l’étranger et faire la fête quand ils le veulent.

A l’UEH, la situation n’est pas non plus au beau fixe avec des tensions entre les étudiants et les professeurs ou avec les dirigeants du rectorat. Un ami avec qui je discutais de la situation de l’EUH m’a résumé la situation ainsi : « P’ap gen solisyon ak kriz EUH la paske dirijan yo se delenkan epi etidyan delenkan ». Il n’aura pas de solution avec ces deux groupes de délinquants m’a-t-il dit. Entre temps les membres de la société préfèrent de ne rien voir. Tout le monde se plaint sur les réseaux sociaux dans les salons mais personne ne veut agir.

Je ne sais pas s’il y a un génocide des intellectuels en Haïti comme l’a dit ce médecin. Tout ce que je sais, c’est que la situation qui prévaut actuellement ne va pas s’améliorer. Il n’y a pas d’investissements dans les générations futures. L’éducation, les sciences et l’innovation technique ne sont pas la priorité de ce gouvernement. Les jeunes vont continuer à s’affronter avec la police dans les rues pour réclamer la présence des professeurs. Les étudiants de l’EUH vont continuer à brûler des pneus dans les rues pour faire entendre leurs revendications. Ceux qui sont au chômage et ne voient pas le bout du tunnel vont continuer à être des candidats pour le Chili, le Brésil, le Canada et les États-Unis et qui sait probablement Taiwan….

En ce qui a trait aux méthodes d’enseignements, quelque part le médecin a raison même si certaines théories développées aux Etats-Unis croient que les devoirs de maison n’apportent rien de significatif dans l’apprentissage de l’enfant. Il a dressé un tableau sombre de la situation qui montre que nous ne sommes pas sincères et honnêtes envers nos enfants surtout sur la question de la langue. A ne rien vouloir faire pour trancher sur le statut de la langue créole dans l’enseignement le ministère de l’Education nationale contribue aussi dans l’échec de nos enfants. Effectivement le ministère de l’Education national doit trouver une entente avec les gens de l’Académie créole pour voir comment traduire les livres français en créole aussi. Le ministère de l’Education national doit instaurer un début public pour voir comment adopter les décisions de faire subir aux élèves les examens en créole. Il doit réinventer le système éducatif en mettant sur pied un système qui marche avec l’évolution et la marche du monde. Le ministère doit pouvoir demander des comptes à ses inspecteurs et aux écoles qui n’assurent pas un suivi adéquat sur la formation des élèves. Sinon, il ne fera que continuer à contribuer à la faillite nos enfants.

Certains pensent que la problématique de l’échec scolaire est abordée de manière trop aristocratique avec une nostalgie de l’école coloniale qui donnait l’impression que les choses étaient mieux. Nous avons une illusion que les choses allaient mieux dans le temps. Effectivement, il y avait même 100% de réussite dans les examens officiels. Mais on oublie fort souvent que c’était juste une petite minorité qui pouvait en bénéficier. Entre temps la population a grandi et les demandes en matière de scolarité ont augmenté. Les offres scolaires se sont multipliées mais l’Etat haïtien ne s’est pas adapté non plus à ces changements. Aujourd’hui le problème est plus grand que l’échec au bac. Les écoles congréganistes pour la plupart ne font pas face à ce problème d’échec. Le débat de fond c’est le parcours scolaire de la grande majorité qui fréquent nos écoles publiques et privées qualifiées pour la plupart de « l’école borlette » et qui peinent à arriver aussi au fameux bac. Qu’allons-nous avec ces enfants-là ? Il faut une attention soutenue sur le parcours scolaire de ces enfants. Il faut attaquer aussi le phénomène de la perdition scolaire. Comme l’a si bien dit un ami le bac est juste une autopsie. Que fait-on des plus de 90% d’écoliers qui n’y accèdent jamais ? Le génocide est là. Pas au bac !

Jolette Joseph


 
 
 

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